Vous êtes-vous jamais demandé s’il existait des dramas ou des films coréens de science-fiction… sans jamais vraiment en trouver ? Si en occident et au Japon, la science fiction est un thème populaire, ce n’est pas vraiment le cas en Corée. Il s’agit pourtant d’un des pays les plus remarquables sur leur avancée technologique, souvent chouchou des producteurs de blockbusters américains pour ses paysages futuristes (les films Marvel, on vous voit). Les coréens seraient-ils fâchés avec ce genre ?
Quand les dramas coréens s’essayent au genre
Memories of the Alhambra : enfin un drama de science-fiction?
En 2018 sortait le drama Memories of the Alhambra avec Hyun Bin et Park Shin-hye au casting. Comme beaucoup, j’étais excitée lorsque je l’ai commencé. Le synopsis avait tout pour plaire : en Espagne, un jeune développeur coréen disparaît mystérieusement après avoir contacté le PDG d’une société d’investissement en technologie pour lui vendre son jeu. Le concept ? Un jeu de MMORPG en réalité augmentée prodigieux, dont l’action se passe à Grenade, où le jeune homme a grandi. Enfin un drama de science fiction avec en plus des scènes tournées à Barcelone où je vivais à l’époque, je ne pouvais pas le manquer ! Mieux que Pokemon GO, imaginez si la réalité augmentée interagissait aussi avec notre corps !
Sauf que… le drama a bien commencé mais on se rend vite compte qu’il omet quelques détails techniques. Ce qui rend le drama irréaliste, contrairement aux principes de la science fiction qui se base sur… la science :/ . Le jeu n’utilise que des lentilles de réalité augmentée. Comment tenir une épée si on ne sent pas qu’on l’a dans la main ? Comment ressentir les coups et les blessures qu’on prend au combat si notre corps n’est pas équipé de récepteurs sensoriels ? Bref, une histoire qui ne tient pas la route (ne mentionnons pas que les scènes se passant à Grenade, en Andalousie, ont en réalité été tournées à Gérone, en Catalogne. C’est peut-être un détail pour vous mais beaucoup de coréens ont aussi remarqué l’erreur même s’il partait d’un concept intéressant.
Rugal : un combo science fiction et thriller
En 2020 est sorti le drama Rugal sur Netflix. Réunissant les acteurs Choi Jin-hyuk et Park Sung-woong, cette série est à la croisée entre thriller et science fiction. Elle met en scène les aventures d’un inspecteur de police ayant reçu une greffe d’yeux bioniques après avoir perdu la vue suite à une attaque criminelle. Il cherche par la suite à se venger. Je n’ai pas regardé ce drama mais je trouve qu’il s’agit d’un bon exemple montrant que la Corée, l’un des pays les plus avancés au monde sur le plan technologique, s’intéresse de plus en plus à intégrer cette technologie à la fiction.
Le fantastique, c’est magique ! Un genre apprécié et maîtrisé en Corée du Sud
Si on le prend comme une histoire fantastique, ce drama devient moins étrange. Il faut dire que le réalisateur est un habitué du genre. Dans W, il utilise une tablette graphique comme un portail liant le monde réel et celui d’un webtoon. Aucune raison scientifique/technologique n’est invoquée et c’est l’une des raisons pourquoi ce drama tient la route. Cette histoire tombe dans le fantastique en utilisant un contexte moderne.
Vous serez sûrement d’accord avec moi si vous êtes un habitué des k-dramas : les coréens sont très doués lorsqu’il s’agit d’histoires fantastiques. Et les scénarios ne manquent pas : du film de zombie aux créatures légendaires locales comme le dokkaebi (도깨비) ou le gumiho (구미호) ; du contexte historique aux aventures contemporaines en passant par le voyage magique dans le temps. Tout est possible dans le monde des k-dramas.
Contes et légendes coréennes, de l’inconnu en terrain connu
L’histoire et le folklore coréens sont riches en légendes. Ils donnent aux scénaristes un terrain de jeu gigantesque. Les dramas qui résultent de leur imagination font partie des plus populaires dans le pays, mais aussi à l’étranger : Secret Garden, Master’s Sun, Goblin (dokkaebi – 도깨비)… en passant par le film Dernier train pour Busan qui a connu un succès mondial grâce au caractère mainstream des zombies (tout le monde sait ce que c’est après tout) !
Les coréens affectionnent donc particulièrement le fantastique, qu’il s’agisse de films locaux ou étrangers. On rencontre pas mal fans de Game of Thrones, Harry Potter ou d’amateurs de films Marvel (bien que certains soient liés avec la science mais qu’importe).
Une question me taraude donc. Où sont passés les séries/films et les fans de science fiction ?
La Corée du Sud, un pays qui ressemble à de la science fiction
Comme je l’ai évoqué en début d’article, la Corée du Sud est un pays très avancé sur le point de vue technologique et les entreprises y investissent beaucoup en R&D (recherche et développement). La ville de Songdo, près d’Incheon en est un exemple. Cette cité construite a partir de rien, pensée pour être une utopie technologique futuriste, est censée inspirer les villes de demain. Bien que son succès soit contestable, elle reste encore unique au monde.
Dans les blockbusters occidentaux, on retrouve de plus en plus régulièrement des scènes tournées dans le paysage urbain coréen. Sense 8, Avengers, Black Panther… autant de titres qui ont fait de la publicité au pays.
Quelques films de science fiction coréens
Les connaisseurs me diront que oui, ils pourront me citer quelques films de science fiction coréens. Le Transperceneige (Snowpiercer), Okja, The Host… ça fait beaucoup d’œuvres de Bong Joon-ho, non ? Les deux premiers ont d’ailleurs un casting international et le premier est inspiré d’une BD française. Okja n’a pas non plus rencontré autant de succès au pays du matin calme qu’à l’international…
Il y a un autre film que je placerais aussi à la frontière entre la science fiction et le fantastique. A Werewolf Boy, du réalisateur Jo Sung-hee, raconte l’histoire d’une famille découvrant un jeune homme se comportant comme un loup. En attendant de lui trouver un foyer, la famille l’adopte mais au fur et à mesure que la fille aînée de la famille et que le jeune homme se rapprochent, ce dernier se révèle être bien plus qu’un être humain sauvage… Ce film porte plus sur la relation qu’entretiennent les personnages principaux que sur l’aspect fantastique/scientifique et je pense que c’est l’une des raisons (sans compter la performance des acteurs Song Joong-ki et Park Bo-young) pour lesquelles le film a rencontré un franc succès.
Au moment où j’écris cet article, un autre film prometteur, réunissant à nouveau le duo Jo Sung-hee / Song Joong-ki, est sur le point de sortir, je vous en parle plus bas 🙂
La science fiction, un genre qui pose beaucoup de questions
L’intérêt de ce genre, c’est qu’il pose des questions sur notre futur ou des réalités alternatives. La SF, ça fuse de questions commençant par “et si…” : “et s’il y avait une catastrophe climatique” ? (The Day after Tomorrow) “Et si la réalité que nous connaissons n’était en fait que virtuelle” ? (Matrix) “Et si on pouvait remonter dans le temps et combattre Hitler avec des raptors qui tirent des rayons laser avec leurs yeux” ? (Kung Fury, un court métrage retro-futuriste hilarant à découvrir sur YouTube) Parfois, ça part un peu loin !
Mais culturellement, on adore se poser des questions en occident ! Anticiper fait travailler notre imagination et nous permet d’être créatifs. Et pourtant… Bien que les coréens soient souvent à la pointe de l’innovation, le questionnement et la remise en cause n’est absolument pas au cœur des préoccupations de la majorité. Cela commence depuis l’enfance ! Il semble que le système éducatif prône davantage le bachotage au détriment de la réflexion personnelle (par exemple en France, on retrouvera plus de dissertations et de problèmes à résoudre que de QCM, c’est le contraire en Corée).
Un pays high-tech vs. une société profondément réaliste
Dans nos cultures occidentales, il est normal que les enfants posent beaucoup de questions. Il n’y a pas de question bête lorsqu’on est un enfant, après tout. En Corée, la peur de sembler idiot paralyse dès le plus jeune âge. Il arrive que les professeurs ne veulent pas répondre à une question parce qu’elle remet en cause leur enseignement, par exemple. Dans un pays où l’opinion du plus grand nombre compte, le respect est important. Il s’agit sans doute d’un héritage du au confucianisme qui impose le respect aux aînés et aux figures d’autorité, par exemple. On ne critique pas la société. Ni le système. Et le professeur fait partie du système. Vous commencez à comprendre ?
Les Coréens sont un peuple très réaliste, d’où le succès des comédies, des drames, des thrillers, des talk shows et des programmes de télé réalité. En dehors du fantastique et de ses légendes coréennes, les genres populaires traitent de sujets auxquels il est facile de se rattacher. Tout le contraire de la science fiction…
Les jeunes, encouragés par leur entourage à se construire une position respectable dans la société, vont se tourner vers des emplois connus comme sûrs. Pensez bien entendu à des chaebols comme Samsung, le fleuron, le saint graal de l’économie sud-coréenne. Pourtant, des start-ups innovantes, il en existe ! Sauf que les plus prometteuses se font souvent racheter par les plus grosses entreprises pour acquérir leur technologie et leurs brevets… Est-ce que cela affecte leur créativité ? Probablement.
Et si… c’était en train de changer ?
Cependant, la société coréenne est en pleine évolution et les jeunes s’ouvrent de plus en plus au monde. Comme certains d’entre-vous, chers lecteurs qui avez pu découvrir la culture coréenne grâce à internet, les coréens s’intéressent à des cultures et du contenu différent. La nouvelle génération est plus curieuse que les précédentes ! Tout comme de nouveaux courants de pensée émergent, des séries et des films étrangers se font connaître, timidement, dans le pays.
Saviez-vous par exemple que la série Doctor Who a son petit fandom en Corée ? En 2016, l’équipe de la série a d’ailleurs fait le déplacement à Séoul pour la promotion de sa nouvelle saison avec Peter Capaldi qui jouait le 12ème docteur (oui, je suis fan aussi) afin de rencontrer les fans. Cela n’empêche pas que la science fiction reste un genre de niche.
Ce n’est pas encore ça, mais de la SF étrangère, on en trouve facilement. J’ai déjà été voir Star Trek (ma franchise préférée, je peux en parler pendant des heures) au cinéma en Corée. Transformers aussi (mais je n’ai pas aimé le film).
A voir si à part Bong Joon-ho, on découvrira bientôt un autre réalisateur de films de science fiction talentueux ?
Space Sweepers, enfin un bond en avant pour la science fiction coréenne ?
J’ai une confession à vous faire… J’ai commencé à écrire cet article il y a environ 1 an et demi mais je ne l’ai jamais publié car j’avais l’impression qu’il manquait quelque-chose. Pourtant, c’est un sujet qui me passionne. Et cette fois, j’ai trouvé la touche finale pour vous le partager !
Le 5 février 2021, le film Space Sweepers va sortir sur Netflix ! Il s’agit du tout premier space opera coréen (aka. un film dont l’intrigue se déroule intégralement dans l’espace) à gros budget ! Une fois encore après A Werewolf Boy, le réalisateur Jo Sung-hee et l’acteur Song Joong-ki se retrouvent sur un nouveau projet. S’ajoutent au casting Kim Tae-ri comme capitaine du vaisseau (voir une femme aux commandes fait vraiment plaisir) et le britannique Richard Armitage, que vous avez probablement déjà vu dans la trilogie Le Hobbit en tant que Thorin Ecu de Chêne, rien que ça !
L’action se passe en 2092, bien au-delà de ce qu’on voit habituellement dans un film coréen. Elle se déroule au sein d’un vaisseau spatial, Le Victory, dans lequel l’équipage est chargé de nettoyer les débris spatiaux orbitant autour de notre belle planète. Leur quotidien se trouve bouleversé lorsqu’ils découvrent un robot humanoïde dont la valeur semble dépasser bien plus que ce qu’ils imaginent…
Pensez-vous que la science fiction coréenne a de beaux jours devant elle ? Je suis curieuse d’avoir vos avis 🙂
Note : je ne parle pas de livres dans cet article, uniquement du contenu audiovisuel.
Image de couverture : LoganArt sur Pixabay
Références :
- Thèse sur le fandom de Doctor Who en Corée du Sud par Kim Hyojin – https://ttu-ir.tdl.org/handle/2346/58716
- Introduction: The Curious Case of South Korean Science Fiction: A Hyper-Technological Society’s Call for Speculative Imagination par Shin Haerin – https://muse.jhu.edu/article/505128
- Why Doesn’t Korean Fiction Sell in Korea? – https://publishingperspectives.com/2015/10/why-doesnt-korean-fiction-sell-in-korea
